Questions - Des chrétiens réticents objectent...
N'est-il pas inutile de s'inquiéter de l'avenir de la foi et des Eglises, alors qu'il devrait suffire de prier et de se fier à la Providence ?
Si l'on croit que l'homme a été créé libre dans un monde autonome, force est de reconnaître que Dieu lui-même ne saurait dispenser les chrétiens des responsabilités et des tâches qui, en ce monde, ne peuvent incomber qu'aux hommes. C'est aux croyants de chaque génération qu'il revient d'annoncer la Bonne Nouvelle à leurs contemporains, dans un langage compréhensible par eux, et de construire avec eux le Royaume de Dieu dès ce monde.
Pourquoi se préoccuper de culture religieuse, alors qu'il est écrit que Dieu se révèle aux coeurs simples sans condition aucune ?
C'est une erreur d'identifier l'humilité à l'ignorance, et l'intelligence à l'orgueil de l'esprit. Dans les milieux les plus humbles comme dans les plus sophistiqués, la culture est l'une des principales dimensions humaines de la foi; cela a toujours été ainsi et le restera. En ayant besoin du langage pour s'exprimer et se développer, la foi a besoin de culture. Il n'est donc pas exagéré de dire que l'avenir de la foi est en partie lié à l'évolution de la culture, et particulièrement à celle de la culture religieuse. Une foi véhiculée par une culture morte ne peut pas être une foi actuelle, vivante et transmissible. D'où la nécessité de réinventer la foi dans le cadre des problématiques culturelles contemporaines.
Que faut-il entendre ici par culture religieuse ?
C'est fort simple : un minimum de savoirs et un maximum de discernement, pour acquérir une certaine maîtrise des questions relatives à la foi. Il ne s'agit donc pas d'érudition, mais d'une démarche largement accessible. Pour entrer dans cette voie, la première tâche consiste à faire sauter les verrous qui enferment les savoirs religieux dans une sphère lointaine et intangible, qui existerait hors des hommes et hors du temps, comme une sorte de musée du Bon Dieu. Déconstruire les édifices dogmatiques apparaît donc comme un préalable à toute appropriation renouvelée des connaissances religieuses. Mais en même temps que s'opère cette déconstruction, la foi doit chercher et construire ses nouvelles références, s'incarner dans l'aujourd'hui des hommes pour réaliser l'aujourd'hui de Dieu.
N'y a-t-il pas lieu de craindre qu'une reformulation actualisée de la foi ne déstabilise les croyants les plus attachés aux traditions ?
Il est assurément coupable de jeter le trouble là où règnent des convictions sereines. Mais, en réalité, la foi n'est pas assimilable à une programmation innée ou reçue une fois pour toutes, qu'il suffirait de garder en mémoire, à l'abri des perturbations de l'existence et du monde. Il revient à chaque croyant de façonner sa foi au fil de sa vie et des événements qui le marquent, en prenant les risques qu'une telle aventure comporte, mais également en s'appuyant sur tout ce qui est de nature à l'éclairer et à le conforter. Ceux qui estiment sain et utile d'identifier aussi clairement que possible les questions qu'ils se posent au sujet de leur foi peuvent, s'ils le désirent, trouver un accompagnement utile dans les conférences proposées, et ce même si le questionnement ne débouche pas sur des réponses toutes prêtes ou si certaines réponses se révèlent de nature à surprendre. Quant à ceux qui prétendent posséder la vérité, les conférences ne leur enlèveront rien comme elles ne peuvent rien leur apporter - d'ailleurs, ils ne s'y rendent pas.
Cette initiative ne risque-t-elle pas de mettre en question, aux yeux de certains fidèles, les prérogatives des Eglises?
Les Conférences Culture et Christianisme, dont les objectifs et les modalités pratiques ont été définis en accord avec les responsables ecclésiastiques, ne concurrencent en aucune manière le travail propre des Eglises, qui est de former des communautés de croyants, de confesser la foi et d'en célébrer les mystères, de promulguer des normes en matière de doctrine, de comportement et de rites. Il est vrai que ces conférences interfèrent, au niveau de leur public, avec la parole distribuée par les Eglises; mais une telle interférence ne saurait présenter que des avantages dès lors que l'on dépasse les considérations à courte vue. D'une part, la foi des croyants ne peut que s'enrichir d'un apport supplémentaire de connaissances, véhiculé dans le cadre d'un programme conçu et mis en oeuvre avec la participation active du clergé. D'autre part, les Eglises ne peuvent que se féliciter du fait que cette initiative touche une fraction non négligeable de personnes qu'elles-mêmes n'atteignent plus.