Guy COQ Entretien avec Guy COQ : Trouver du sens dans un monde qui se cherche

Les Conférences Culture et Christianisme recevront le 16 mars 2007 à Altkirch, à la Halle au Blé, à 20h, Guy COQ, Philosophe, collaborateur à la revue Esprit.

Qu'est-ce qui, dans votre expérience, a été déterminant pour guider votre réflexion concernant le sens de la vie ?

Ma propre expérience aura été, si l'on veut, d'avoir eu à m'arracher en quelque sorte au sens qui fait mourir, qui fait consentir à la mort, qui dévalorise la vie, pour aller à la recherche d'un sens qui fait vivre, qui donne la vie, éventuellement en créant du sens pour la vie, ou bien en expérimentant un dévoilement d'un sens vital déjà là, mais ignoré.

La société moderne est, dit-on, en panne de sens. Pour quelles raisons selon vous ?

Comme philosophe je m'inscris en faux par rapport à une manière répandue de poser la question du sens. Pour moi, il y a -toujours- du sens. Le problème n'est pas de remplir un vide de sens, mais de transformer le sens négatif ( celui qui voue au mal) ou de le dépasser, en créant un autre type de sens ou en le découvrant.
Car le sens, c'est d'une part celui que je trouve, mais c'est aussi d'autre part celui que je crée. La société moderne est dans un foisonnement de sens...mais c'est souvent le sens qui fait mourir qui domine, ou le sens qui aliène, qui tue la liberté, qui s'impose et écrase, et bloque la libre recherche de sens.
Paradoxalement c'est un excès de la création individuelle de sens, par rapport à la création collective, qui produit la crise du sens La complémentarité possible entre sens individuel et sens collectif est brisée. Du coup la possibilité de vivre ensemble dans un monde commun est menacée.

Face aux risques de barbarie qui nous guette et que vous dénoncez, comment renouveler l'expression du sens ?

Comme toute civilisation, la nôtre doit constamment se prémunir contre la barbarie qu'elle porte en elle comme une menace interne de mort.
Il nous faut discerner les « petits pas » qui pourraient nous faire dériver vers la barbarie. Nous avons un guide pour cela: le meilleur du sens de cette civilisation, le meilleur de son sens positif, pour la vie.

A quelles conditions selon vous, notre société laïque, individualiste, mondialisée, peut-elle laisser émerger du sens ?

Ces mots: laïque, individualiste, mondialisée font partie du sens déjà là, dans notre monde commun. Nous avons à lutter pour que le sens qui se crée entre nous se voue au désir de vivre et non au désir de mort. A voir la difficulté de fixer et d'appliquer des objectifs efficaces contre le désastre écologique qui nous menace, le désir de vivre n'est pas assuré d'être le plus le fort.

Comment ressourcer notre espérance aujourd'hui ?

Il faut apprendre ( et surtout aux enfants) que l'espérance est l'objet d'un choix; je décide d'espérer, c'est-à-dire que j'affirme qu'il y a de l'avenir. Le présent ne durera pas. Et cet avenir n'est pas fait à l'avance, du coup s'ouvre le champ de l'action, comme possibilité d'intervenir sur l'avenir.
Opter pour l'espérance c'est refuser à la fois le pessimisme et l'optimisme.

Quelle peut être la contribution des chrétiens à l'élaboration du sens de nos jours, dans une société pluraliste ?

Les chrétiens ont l'obligation d'être des agents d'espérance. Et eux dont la foi affirme qu'à l'échelle de l'histoire humaine la mort et le mal sont vaincus, ils doivent être créateurs de sens pour la vie.

Propos recueillis par Jean-Marie Wilhelm



«Je décide d' espérer parce que c' est meilleur pour la vie...Quel que soit le stade où je suis de ma vie je puis être tout à l' heure appelé par l' autre à lui donner une simple parole, un signe peut-être, qui l' aide à vivre.»
Dis-moi ton espérance (Seuil, 1999,p. 45-46)

«La question du sens est ambiguë: il y a du sens qui m' aide à vivre, il y a du sens qui m' entraîne vers la mort. Il importe de faire triompher le sens qui me fait vivre.»

Quelques livres

Dis-moi ton espérance. Seuil 1999

Petits pas vers la barbarie. Presses de la renaissance, 2002

Paroles pour le Christ, paroles pour l'Eglise. Paroles et silence, 2003